Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/428

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les chemins, il resolut, pour ne luy desobeir, de partir aussi tost que la lune esclaireroit, qui pouvoit estre une demie heure avant jour. En ceste resolution, aussi tost que la clairté commença de paroistre, ils se mirent en chemin, et lors qu’ils furent au bas de la colline, n’ayant plus qu’une plaine qui les conduisoit au palais d’Isoure, la nymphe, à la requeste de son oncle, reprit la parole de ceste sorte :

Histoire de Galathée et Lindamor

Mon pere [car elle l’apelloit ainsi] ne vous estonnez point, je vous supplie, d’ouïr ce que j’ay à vous dire, et lors que vous en aurez occasion, ressouvenez-vous que ce mesme amour en est cause, qui autresfois vous a poussé à semblables ou plus estranges accidents. Je n’oserois vous en parler, si je n’en avois permission, voire s’il ne m’avoit esté commandé ; mais Galathée, à qui cet affaire touche, veut bien, puis qu’elle vous a esleu pour medecin de son mal, que vous en sçachiez, et la naissance et le progrez. Toutesfois elle m’a commandé de tirer parole de vous, que vous n’en direz jamais rien.

Le druyde qui sçavoit quel respect il devoit à sa dame [car pour telle la tenoit-il] luy respondit, qu’il avoit assez de prudence pour celer ce qu’il sçavoit importer à Galathée, et qu’en cela la promesse estoit superflue.

Sur ceste asseurance, continua Leonide, je paracheveray donc de vous dire ce qu’il faut que vous sçachiez.

Il y a fort long temps que Polemas devint amoureux de Galathèe. De dire comme cela advint, il seroit inutile ; tant y a qu’il l’aima de sorte, qu’à bon escient on l’en pouvoit dire amoureux. Ceste affection passa si avant, que Galathée mesme ne la pouvoit ignorer. Tant s’en faut, en particulier elle luy fit plusieurs