Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/479

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du tout en bas, où nous n’eusmes pas si tost ouvert la porte, que nous trouvasmes Fleurial, qui nous attendoit il y avoit long temps. La nymphe passa alors devant, et allant sous une tonne de jamins, qui par son espaisseur la pouvoit garantir, et des rais de la lune, et d’estre veue des fenestres du corps de logis qui respondoit sur le jardin, elle commença toute en colere à dire à Fleurial : Et bien Fleurial, depuis quand estes-vous devenu si ferme en vos opinions que quoy que vous commande, vous n’en vueillez rien faire ?

– Madame, respondit-il sans s’estonner, ç’a esté pour vous obeyr , que j’ay failly en cecy, s’il y a de la faute : car ne m’avez-vous point commandé tres-expressement que je fisse tout ce que Lindamor m’ordonneroit ? Or, madame, c’est luy que me l’a ainsi commandé et qui me remettant son cœur, me fit outre son commandement encor obliger par serment que je ne le remettrois entre autres mains qu’aux vostres. – Et bien, bien, interrompit-elle en souspirant, où est ce cœur ? – Le voicy, madame, dit-il, reculant trois ou quatre pas vers un petit cabinet. S’il vous plaist d’y venir, vous le verrez mieux que là où vous estes.

Elle se leva et s’y en vint. Mais à mesme temps qu’elle voulut entrer dedans, voilà un homme qui se jette à ses pieds et sans luy dire autre chose, luy baise la robbe. O Dieu ! dit la nymphe, qu’est cecy ? Fleurial, voicy un homme ! – Madame, dit Fleurial en sousriant, c’est un cœur qui est à vous. – Comment ? dit-elle, un cœur ? Et lors de peur elle voulut fuyr, mais celuy qui luy baisoit la robbe la retint.

Oyant ces paroles je m’approchay, et cogneus incontinent que c’estoit celuy que Fleurial disoit estre son cousin. Je ne sceus soudainement que penser : je voyois Galathée et moy entre les mains de ces deux hommes, l’un desquels nous estoit incogneu. A quoy nous pouvions-nous resoudre ? De crier, nous n’osions ; de fuir, Galathée ne pouvoit ;