Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/512

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voy par vous, je pense qu’il y a du plaisir en vos hameaux, et parmy vos honnestes libertez, puis que vous estes exempts de l’ambition, et par consequent des envies, et que vous vivez sans artifice, et sans mesdisance, qui sont les quatre pestes de la vie que nous faisons. – Sage nymphe, respondit le berger, tout ce que vous dites est plus veritable, si nous estions hors du pouvoir de l’amour. – Mais il faut que vous sachiez que les mesmes effets que l’ambition produit aux cours, l’amour les fait naistre en nos villages ; car les ennuis d’un rival ne sont guieres moindres que ceux d’un courtisan, et les artifices des amants et des bergers ne cedent rien aux autres. Et cela est cause que les medisans se retiennent entre nous la mesme authorité d’expliquer comme bon leur semble nos actions, aussi bien qu’entre vous. Il est vray que nous avons un advantage, qu’au lieu de deux ennemis que vous avez qui est l’amour et l’ambition, nous n’en avons qu’un. Et de là vient qu’il y a quelques particuliers entre nous qui se peuvent dire heureux, et nul, comme je croy, entre les courtisans ; car ceux qui n’aiment point, n’evitent pas les allechements de l’ambition, et qui n’est point ambitieux n’aura pas pour cela l’arme gelée pour resister aux flammes de tant de beaux yeux, là où nul n’ayant qu’un ennemy, nous pouvons plus aisément luy resister, comme Silvandre a fait jusques icy, berger à la verité remply de beaucoup de perfections, mais plus heureux encore le peut-on dire sans l’offenser, que sage. Car quoy que cela puisse en quelque sorte proceder de sa prudence, si est-ce que je tiens que c’est un grand heur de n’avoir jusques icy rencontré beauté qui attire, il n’a jamais eu familiarité avec aucune bergere, qui est cause qu’il se conserve en sa liberté, parce que je croy, quant