Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/564

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par ce voyage ce que ses services n’avoient peu par sa presence, resolvant de faire tant d’actes signalés, qu’ou le nom de vaillant que les victoires luy donneroient, vous seroit agreable, ou bien mourant, il vous en laisseroit du regret. En ces desseins, ils parviennent à l’armée de Meroüé, prince rempli de toutes les perfections qui sont requises à un conquerant, et arriverent si à propos que la bataille avait esté assignée le septiesme jour d’apres ; de sorte que tous ces jeunes chevalien n’avoient autre plus grand soucy que de visiter leurs armes et remettre leurs chevaux en bon estat. Mais ce n’est d’eux de qui j’ay à vous parler ; c’est pourquoy passant soubs silence tout ce qui ne touche à Ligdamon, je vousdiray que le jour assigné a ce grand combat estant venu, les deux armées sortent de leur camp et à veue l’une de l’autre, se mettent en bataille. Icy un escadron de cavalerie, là un bataillon de gens de pied ; icy les tambours, là les trompettes ; d’un costé, le hannissement des chevaux, et de l’autre, les voix des soldats retentissoient de tant de bruit, que l’on pouvoit bien alors dire, que Bellonne l’effroiable rouloit dans ceste campagne, et estalloit tout ce qu’elle avoit de plus horrible en sa Gorgonne.

Quant à moy, qui n’avois jamais esté en semblable occasion, j’estois si estourdy de ce que j’oyois et si esblouy de l’esclair des armes, qu’en verité je ne sçavois où j’estois. Toutesfois ma resolution fut de n’abandonner mon maistre, car la nourriture que d’enfance il m’avoit donnée, m’obligeait, ce me sembloit, à ne l’esloigner en ceste occasion où rien ne se representoit à nos yeuxqu’avec les enseignes de la mort.

Mais ce ne fut rien au prix de l’estrange confusion lorsque tous ces escadrons et tous ces bataillons se meslerent, quand le signal de la bataille se donna ; car la cavallerie