Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/572

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vous, assurée sur nos privi- leges qui ordonnent que tout homme condamné à mort en est delivré quand une fille le demande pour son mary. Soudain que j’ay sceu vostre jugement, je suis venue en toute diligence le vous requerir, et n’ay peu y estre si tost qu’il n’ayt couru la fortune que chacun a veue; toutesfois puis que Dieu me l’a conservé si heureusement, vous ne devez me le refuser justement. Tout le peuple qui ouyt ceste demande, cria d’une joyeuse voix: Grace, grace. Et quoy que les ennemis de Lidias poursuivissent le contraire, si fut-il conclu que les privileges du pays auroyent lieu.

Mais, helas! Ligdamon ne sortit de ce danger que pour r’entrer comme je croy en un pus grand; car estant conduit devant les juges, il luy firent entendre les coustumes du pays qui estoient telles: Que tout homme attaint et convaincu de quelque crime que ce peust estre, seroit delivré des rigueurs de la justice si une fille de le demandoit pour son mary. De sorte que s’il vouloit espouser Amerine, il seroit remis en liberté, et pourroit vivre avec’elle.

Luy qui ne la cognoissoit point, se trouva fort empesché à leur respondre; toutesfois ne voyant autre remede d’eschapper du danger où il estoit, il le promit, esperant que le temps luy apporteroit quelque exspedient pour sortir de ce labyrinthe. Amerine qui avoit tousjours recogneu Lydias tant amoureux d’elle, ne fut pas peu estonnée d’une si grande froideur; toutefois, jugeant que l’effroy du danger où il avoit esté, le rendoit ainsi hors de luy, elle en eut plus de pitié, et le mena chez la mere de Lydia que estoit celle qui avoit procuré ce mariage, sçachant qu’il n’avoit point d’autre remede pour sauver son fils, outre qu’elle n’ignoroit pas l’amour qui estoit entr’eux, ce qui luy faisoit presser la conclusion du mariage le