Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/580

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nos amours,
Et faisoient nos espoirs mourir avant que naistre.

Mais l’amour par la mort à la fin s’est vengé:
Apprenez, ô mortels! comme amour outragé
Fait, quoy qu’il tarde, en fin sa vengeance paroistre.

- Il est tout vray respondit Galathée, qu’amour ne laisse jamais une offence contre luy impunie, et de là vient que nous voyons en cecy de plus estranges accidens qu’en tout le reste des actions humaines. Mais si cela est, Celadon, comment ne fremissez-vous de peur? comment n’attendez-vous de moment à autre les traits vengeurs de ce dieu? – Et pourquoy, dit le berger, dois-je craindre? puis que c’est moy qui suis l’offensé. – Ah! Celadon, dit la nymphe, si toutes choses estoient justement balancées, combien vous trouveriez-vous plus pesant aux offenses que vous faites, qu’en celles que vous recevez? – C’est là, luy dit Celadon, c’est là le comble du mal-heur, quand un affligé est creu bien heureux et qu’on le void languir sans en avoir pitié. – Mais, respondit la nymphe, dites moy, berger, entre toutes les plus grandes offenses, celle de l’ingratitude ne tient-elle pas le premier lieu? – Si fait sans doute, respondit-il. – Or puis qu’il est ainsi, continua Galathée, comment vous pouvez-vous laver, puis qu’à tant d’amitié que je vous fais paroistre je ne reçois de vous que froideur et que desdain? Il a fallu en fin que j’aye dit ce mot. Voyez vous, berger, estant ce que je suis, et voyant ce que vous estes, je ne puis penser que je n’aye offensé en quelque chose amour, puis qu’il me punit avec tant de rigueur.

Celadon fut extremement marry d’avoir commencé ce discours, car il falloit fuyant le plus qu’il luy esoit possible; toutesfois puis que c’en estoit fait, il resolut de l’en esclircir entierement, et ainsi luy dit: Madame, je ne sçay comment respondre à