Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/592

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encores qu’il y en ait une de la troisiesme grandeur, et quatre de la quatriesme, toutefois il nous les fait voir toutes, observant leur proportion. Voilà le Dragon, auquel il a bien mis les trente et une estoilles, mais si n’en monstre-t-il bien treize, dont les cinq, comme vous voyez, sont de la quatriesme grandeur, et les huict de la troisisme. Voicy la couronne d’Ariadne, qui a bien ses huict estoilles, mais il n’y en a que six qui soient bien voyantes: encores en voicy une qui est la plus reluisante de toutes. Voyez vous ce ce costé la voye de laict, par où les Romains tiennent que les dieux descendent en terre, et remontent au ciel. Mais que ces nuages sont bien representez, qui en quelques lieux couvrent le ciel avec espaisseur, en d’autres seulement comme une legere fumée, et ailleurs point du tout, selon qu’ils plus ou moins eslevez, il sont plus ou moins clairs !

Or considerons l’histoire de ce tableau. Voicy Mandrague au milieu d’un cerne, une baguette en la main droicte, un livre tout crasseux en l’autre, avec une chandelle de cire vierge, des lunettes fort troubles au nez. Voyez comme il semble qu’elle marmotte, et comme elle tient les yeux tournez d’une estrange façon, la bouche demy ouverte, et faisant une mine si estrange des sourcils et du reste du visage, qu’elle monstre bien de travailler d’affection. Mais prenez garde comme elle a le pied, le costé, le bras, et l’espaule gauche nuds, c’est pour estre le costé du coeur. Ces fantosmes que vous luy voyez autour de ses charmes, pour sçavoir comme elle pourra estre aimé de Damon; ils luy declarent l’affection qu’il porte à Fortune, qu’il n’y a point de meilleur moyen que de luy persuader que ceste bergere aime ailleurs, et que pour le faire plus aisément, il faut qu’elle change