Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/612

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en intention de trouver là les moyens d’advertir les parens et les amis de Lydias. Et donnat ordre le plus

secrettemnet qu’il me fut possible à mon voyage, une nuict je me dérobay en l’abit que vous me voyez ; mais la fortune fut sie mauvaise pour moy que je demeuray de quinze jours sans trouver vaisseau qui allast de ce costé-là. Je ne sçay que devindrent mes parents me trouvans partie, car je n’en ay point eu de nouvelles depuis ; bien m’asseuré-je que la vieillesse de mon pauvre pere n’aura peu resister à ce desplaisir, car il m’aimoit plus tendrement que luy mesme et m’avoit tousjours nourrie si soigneusement que je me suis plusieurs fois estonnée comme j’ay peu souffrir les incommoditez que depuis mon départ j’ay supportées en ce voyage, et fut dire que c’est amour, et non pas moy.

Mais pour reprendre nostre discours, apres avoir attendu quinze ou seize jours sur le bord de la mer, en fin il se presenta un vaisseau avec lequel j’arrivay à Calais, lors qu’il n’y avoit plus que cinq ou six jours du terme que Lypandas luy avoit donné. Le branle du vaisseau m’avoit de sorte estourdie que je fus contrainte de garder le lict deux jours, si bien qu’il n’y avoit plus temps de pouvoir advertir les parents de Lydias, ne sçachant mesme qui ils estoient, nay où ils se tenoient.

Si cela me troubla, vous le pouvez juger, parce mesme qu’il sembloit que je fusse venue tout à propos pout le voir mourir et pour assister à ses funerailles. Dieux ! Comment vous disposez de nous ! J’estois tellement outrée de ce desaster que jour et nuict les larmes estoient en mes yeux. En fin le jour avant le terme, transportée du desir de mourir avant que Lydias, je me resolus d’entrer au combat contre Lypandas. Quelle resolution ou plustost quel desespoir ! Car je n’avois de ma vie tenu espée en la mein, et ne sçavois bonnement de laquelle