Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/618

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qu’il n’avoit pas dit quand, et que ce seroit dans vingt ans, sinon avec une condition qu’il luy proposa, qui estoit de faire en sorte que je me remisse prisonniere en sa place et qu’ainsi je payasse la rançcon de sa liberté par la perte le la mienne. Lydias luy respondit qu’il seroit aussi ingrat envers moy que Lypandas perfide envers luy. Dequoy il s’offensa de sorte qu’il jura que si dans quinze jours je n’estoit entre ses mains, il le remettroit entre celles de la justice. Et lors que liy remettoit devant les yeux sa foy parjurée : J’en ay fait, disoit-il, la penitence pas les blesseures que j’ai apportée du combat, mais ayant des long temps promis aux seigneurs Neustriens de maintenir la justice, ne suis-je pas plus obligé à la premiere qu’à la derniere promesse ? Les premiers jours s’escoulerent sans que j’y prisse garde, mais yoyant que je n’en avoit point de nouvelle, j’y envoyay un homme pour s’en enquerir. Par luy je sceus la malice de Lypandas et mesme le terme qu’il avoit donné, et quoy que je previsse toutes les cruautez et toutes les indignitez qui se peuvent recevoir, si est-ce que je resolus de mettre Lydias hors de telles mains, n’yant rien de si cher que sa conversation. Et par fortune le jour que vous me pristes je m’y en allois, et à ceste heure la tristesse que vous voyez en moy, et les souspirs qui ne me donnent point de cesse, procedent, non de la prison où je suis (car celle-cy est bien douce au prix de celle que je m’estios proposée), mais de sçavoir que ce perfide et cruel Lypandas mettra sans doute Lydias entre les mains de ses ennemis qui n’attendent autre chose que d’en voir une deplorable et honteuse fins ; car des quinze qu’il avoit donnez, les dix sont des-ja passés, si bien que je ne puis presque plus esperer de pouvoir rendre ce dernier office à Lydias.

A ce mot les larmes luy empeschans