Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/627

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bien faindre, que la voix, comme le reste, eust aidé à parachever encor mieux la tromperie. Toutesfois pour ce coup elle se contenta d’advouer le response d’Adamas seulement avec une reverence basse, et puis se retira entre les autres nypmhes, n’attendant que la commodité de se pouvoir desrober.

En fin l’heure estant venue du disner, Amasis s’en retourna au logis, où trouvant les tables prestes, chacun plein de contentement des bonnes nouvelles receues, disna joyeusement, sinon la belle Silvie qui avoit tousjours devant les yeux l’idole de son cher Ligdamon, et en l’ame le ressouvenir qu’il estoit mort pour elle. Ce fut ce sojet qui les entretint une partie du disner, car la nymphe vouloit bien que l’on sceust qu’elle aymoit la memoire d’une personne vertueuse , et sie dediée à elle, mais cela, d’autant qu’estant morte elle ne pouvoit plus l’importuner, ny se prevaloir de ceste bonne volenté.

Apres le repas, que toutes ces nymphes estoient attentives les unes à jouer, les autres à vistiter la maison, les unes au jardin et les autres à s’entretenir de divers discours dans la chambre d’Amasis. Leonide, sans que l’on s’en apperceust, feignant de se vouloir preparer pour partir, sortit hors de la chambre, et peu apres Lucinde, et e’estans trouvées au rendez-vous qu’elles s’estoient données, faignans d’aller se prommener, sortirent du chasteau, ayant caché soubs leurs mantes chacune une partie des habits du berger. Et quand ils furent au fond du bois, le berger se deshabilla, et prenant l’habit accoutumé, remercia la nymphe du bon secours, qu’elle luy avoit offrit en eschange sa vie et tout ce qui en despendoit.

Alors la nymphe avec un grand suspir : Et bien, dit-elle, Celadon, ne vous ay-je pas bien tenu la promesse que je vous ay faite ? Ne croyez-vous pas estre obligé d’observer de mesme