Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/631

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main dedans ma main:
Dispose le sort inhumain
De nostre vie passagere,
Jamais, Celadon, en effet
Le serment ne sera, deffait,
Que dans ceste main je te jure.
Et vif et mort je l’aymeray,
Ou mourant dans ma sepulture
Nostre amité j’en entfermeray.

Fueillage espais de ce bel arbre,
Qui couvres d’ombres tout l’entour,
Te ressouviens-tu point du jour
Qu’à ses lis meslant le cinabre,
De honte elle alloit rougissant,
Qu’un berger pres d’elle passant,
Parlant à moy l’appella belle,
Et l’heur et l’honneur de ces lieux ?
Car je ne vous, me disoit-elle,
Ressembler belle qu’à tes yeux.

Rocher où souvent à cachette
Nous nous sommes entretenus,
Que peuvent entre devenus
Tous ces amours que je regrette ?
Les dieux tant de fois invoquez
Suffriront-ils d’estre moquez,
Et d’avoir la priere ardante
D’elle et de moy receue en vain,
Puis qu’ores son ame changeante
Paye ses amours d’un desdain ?

Vueille le Ciel, disoit Astrée,
Que je meure avant de voir
Que mon pere ait plus de pouvoir
D’un haine opiniastrée
En sa trop longue inimitié,