Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/633

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Que les dieux par un prompt trespas
Me l’ont ravie
Si bien qu’il sembloit seulement
Que pour entrer au monument
Elle eust eu vie.

Pourquoy falloit-il d’amour,
Si ressemblant la fleur d’un jour
A peine née,
Le Ciel la monstroit pour l’oster,
Et pour nous faire regretter
Sa destinée ?

Comme à son arbre estant serré
Du tronc n’est point separé
l’heureux lierre,
Pour le moins me fust-il permis
Vif aupres d’elle d’estre mis
Dessous sa pierre.


Content pres d’elle je vivrois,
Et si là dedans de la voix
J’avois l’usage,
Je benirois d’un tel sejour
La mort qui m’auroit de l’amour
Laissé tel gage.

Celadon qui ne vouloit point estre veu de personne qui le peust cognoistre, d’aussi loing qu’il vid ce berger, commença peu à peu de se retirer dans l’espaisseur des quelques arbres. Mais voyant que sans s’arrester à luy, il passoit outre pour s’asseoir au mesme lieu d’où il venoit de partir, il le suivit pas à pas et si à propos qu’il peut ouyr une partie des ses plaintes. L’humeur de ce berger incogneu sympathisant avec la sienne, le rendit curieux de sçavoir par luy des nouvelles de sa maistresse, et mesme croiant ne pouvoir en sçavoir plus aisément par autres sans estre recogneu.