Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/1028

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me quittiez pour une druide ? Pour le moins, je me console que vous ne jouirez de long temps de vos amours, puis qu’Alexis ne peut estre mariée qu’elle n’ait achevé son siecle avec les Carnutes. Alors HyIas se sousriant, et bradant la tese : Je vous asseure, luy dit-il, bergere, que vous me dites là une chose qui me rendroit amoureux de la belle Alexis, si je ne l’estois pas. Car depuis que j’ay commencé de voir des femmes, je n’en ay encore jamais aymé une seule que je ne l’aye haye aussi tost que j’ay pensé à l’espouser. De sorte que si Alexis ne se contente d’un siecle, je luy en donne deux, et que cependant elle m’aime. Et puis il faut.que je vous die une ambition d’amour qui m’est venue. J’ay aymé des filles, des femmes, et des vefves ; j’en ay recherché des moindres, d’égales à moy, et de plus grande qualité que je n’estois ; j’en ay servy de sottes, de ruzées, et de bonnes; j’en ay trouvé de rigoureuses, de courtoises, et d’insensibles à la haine et à l’amour. J’en ay eu de vieilles, de jeunes et autres qui estoient encores enfans ; je me suis pleu à la blonde, à la noire, et à la claire brune ; je me suis adressé à des unes qui n’avaient jamais aimé, et à d’autres qui aymoient, et à de celles qui n’aimoient plus, à des trompeuses, à des trompées, et à des innocentes. Bref, je puis dire n’avoir rien laissé d’intenté en ce qui concerne l’amour, de quelque condition ou humeur que puisse estre une