Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/156

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A ce moment, par ce qu’il estoit desja tard, il se leva pour s’en aller, et prit le berger par la main, qui le suivant, luy respondit : Je vous supplie, mon pere, et vous conjure par tout l’amitié que vous me portez, de ne me dire jamais plus que ma maistresse ait failly, ny moins qu’elle m’a faist quelque tort ; car, outre que cela ne peut estre, puis qu’elle a le pouvoir de disposer plus absolument de moy que moy mesmes, encores offensez-vous la plus parfaicte personne que jamais la nature ait produicte, et me desobligez plus par telles paroles, que ne me peut estre agreable l’assistance que je reçoy de vous en l’estat où je suis.

Silvandre qui escoutoit attentivement leur discours, et consideroit le plus particulierement qu’il luy estoit possible leurs actions, ne peut toutesfois les recognoistre, empesché de l’obscurité du lieu, qui encores qu’esclairé de quelques rayons de la lune, demeuroit fort sombre pour l’espesseur des arbres de la fontaine. Et quoy qu’il luy semblast bien de recognoistre le druide, si ne s’en pouvoit-il asseurer, le voyant seulement par derriere ; pour le berger, il le mescognoissent tout à faict, bien qu’il eust quelque memoire d’avoir ouy autrefois une semblable vois. Ceste incertitude donc fut cause qu’il les suivit, esperant que la clarté de la lune les luy feroit recognoistre hors du bois. Mais parce qu’il s’en tenoit esloigné, pour n’estre apperceu d’eux, il ne se