Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/165

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conception) il y mettoit la pointe du doigt dessus, et en trouvant une autre, il la marquoit de mesme. Mais quand il leut à la fin de la lettre, le plus infortuné comme le plus fidelle de vos serviteurs. O ! s’escria-t’il, il n’en faut plus douter, c’est moy sans doute qui ay fait ceste lettre ; et faut par necessité que le demon qui a soucy de ma vie, ayant leu les pensées de mon ame, les ait escrittes en ce papier ; afin de les faire voir à Diane. Et de faict, il n’y a point de beauté, qui puisse causer de si violentes passions, que celles que je lis icy, si ce n’est celle de ma maistresse et il n’y a point d’amant qui soit capable de concevoir tant d’affection, si ce n’est Silvandre ; de sorte qu’il ne faut plus mettre en doute, que ceste lettre s’adressant à la plus belle et plus aymée bergere de l’univers, je ne la doive donner à Diane, et qu’estant escrite par le plus fidelle et plus infortuné amant, ce ne soit par Silvandre, infortuné, d’autant qu’il aime la plus belle bergere de l’univers, et que ceste bergere s’est rencontrée la moins sensible à l’amour, de toutes celles qui doivent estre aimées. Silvandre s’alloit ainsi persuadant que cette lettre s’addressoit à Diane, et desirant qu’elle veist de quelle sorte il estoit traité, apres avoir remercié son favorable demon, duquel il pensoit avoir receu ce bon office, il prit le chemin qui luy sembla le plus court pour retourner en son