Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/202

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troupe s’estant rencontrée, Hylas, laissant incontinent Laonice, s’en vint vers Phillis, et quoy qu’elle sceut faire, si fallut-il qu’elle laissast Astrée et Diane ; dequoy Silvandre ne fut point marry, luy semblant qu’il possedoit plus absoluement sa maistresse. Tircis qui apperceut Astrée toute seule, car Tersandre conduisoit Madonte, apres luy avoir fait la reverence, s’offrit de luy aider. Elle qui estimoit infiniment la vertu de ce berger, outre qu’il luy sembloit que leurs fortunes avoient beaucoup de conformité, le receut fort volontiers.

De sorte que chacun avoit compagnie, sinon Laonice qui, comme j’ay dict autresfois, nourrissoit en son ame un si extreme desir de vengeance contre Phillis et Silvandre, que tout son dessein estoit de trouver quelque bonne occasion de leur nuire. Et pour venir à bout de son entreprise, elle alloit espiant toutes leurs actions et escoutoit le plus qu’elle pouvoit leurs discours, principalement quand elle voyoit qu’ils parloient bas et en secret, et qu’elle remarquoit à leurs gestes que c’estoit avec affection.

Elle avoit desja esté cause en partie de la jalousie de Lycidas, et depuis avoit beaucoup appris des nouvelles de Silvandre et des autres bergeres, plus toutesfois par ses soupçons que par toute autre chose. Mais, à cette rencontre, elle en reconnut bien d’avantage, et y devint si sçavante, comme