Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/254

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il estoit bien raisonnable que j’eusse celle-cy pour tesmoignage que j’estois sien. La difficulté qu’elle en fit ne fut pas grande, et par ainsi je l’emportay, et l’eus tout le reste du jour au col. Toutesfois, parce que je ne voulois perdre Circéne, je me contraignis de n’aller point en lieu où elle me peust voir.

Mais celuy de qui je me doutay le moins, qui estoit Clorian, luy dit sans autre dessein que de luy raconter de mes nouvelles, que j’estois le plus content qui fust jamais, pour les faveurs que je recevois de Parthenopé ; et là dessus luy parla de cette escharpe. Dieu sçait si ces paroles luy toucherent au cœur, car veritablement elle m’aimoit, et toutesfois elle n’en fit point de semblant. Mais lors que j’y allay le lendemain, sans que Clorian y fust : Et bien, me dit-elle, chevalier de la Sirene, qu’avez-vous, fait de vostre belle escharpe ? J’aimois Circéne beaucoup plus que Parthenopé, et ne voulois point la perdre pour si peu d’occasion ; cela fut cause qu’avec mille serments, je luy juray, qu’entrant au tournoy, je n’avois point pensé à Parthenopé, mais au nom de Circéne seulement, duquel ostant une lettre, on pouvoit faire Sirene. – Mais, dit-elle, pourquoy ne m’en parlastes-vous point ? – Parce, luy respondis-je, que je croyois la chose si aisée, que je pensois que vous la recognoistriez. – Et de cette escharpe, adjousta-t’elle, qu’en dirons-nous ? – J’avoue, luy dis-je, que je la luy pris hier,