Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/257

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des voix, -et quelquefois mettant pied à terre, dansoient à des chansons qu’elles disoient tour à tour. De malheur je n’avois autre cognoissance en cette troupe, que celle de Palinice, et Circéne ; toutesfois je ne laissay de me mettre parmy elles, et les entretenir toutes. Je voyois bien qu’elles se demandoient à l’aureille qui j’estois, et que Palinice avoit assez d’affaire à dire mon nom à toutes celles qui s’en enqueroient. Mais cela ayant duré quelque temps, je fus incontinent apres aussi cogneu que personne de la troupe, parce qu’entrant en discours avec la premiere qui se presentoit, elles trouverent mon humeur si agreable, qu’il n’y en eust une seule qui ne voulust estre de mes amies.

Tant que le bateau alla contremont, encor que l’Arar coule si doucement, que bien souvent on ne peut remarquer de quel costé il descend, si est-ce que quelque fois il faisoit un peu de bruit contre les aix, et cela fut cause qu’on ne se servit que des instruments ; sinon qu’interrompant quelquefois la musique, elles discouroient bien souvent aux despens de ceux qui n’en pouvoient mais. Mais quand on se laissa aller au courant de l’eau, et qu’on n’oyoit plus qu’un petit gazouillis que l’onde fai­soit contre le bateau, comme glorieuse de porter une si belle charge, elles s’assirent dans le fond, et là celles qui avoient la voix bonne, chantoient ce qui leur venoit en fantaisie. Entre ces