Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/262

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Il avint tout ainsi que je l’avois pensé. Car apres avoir receu plusieurs fois les fleurs que je cueillois, en fin elle me dit que je prenois trop de peine, et. que je l’estimerois incivile de permettre que je continuasse. Tant s’en faut, luy dis-je, que cela soit, que je crois chacun estre obligé de vous rendre toutes sortes de services, puis que vous assistez si bien vos amies en leur absence. – Ne parlez-vous pas, me dit-elle, de Dorinde ? – C’est celle-là mesme, luy dis-je, en la personne de qui vous avez obligé toutes les autres. – Je ne sçaurois, dit-elle, souffrir la vanité de Teombre, car vous voyez quel il est, et toutesfois il pense et dit que nous mourons toutes d’amour pour luy. – II faudroit bien, luy dis-je, que les dames eussent beaucoup d’amour, et peu de jugement, et me semble qu’il est plus propre pour le remede d’amour, que pour renseigner l’art d’aimer.

Florice alors me regardant avec un sousris : Je suis, me respondit-elle, de vostre opinion ; et de plus, si je voulois aymer, ce seroit le dernier de tous les hommes que je choisirois. – Ce seroit bien offenser les dieux qui vous ont faite telle que vous estes, luy dis-je, si vous profaniez pour luy tant de beautez. – Je sçay bien, me dit-elle, qu’il n’y a point de beauté en moy, mais je sçay encore mieux que je n’auray jamais amour pour luy. – Dieu vous rende, luy dis-je, plus veritable pour luy, que vous ne l’estes