Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/281

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m’asseurant bien que vos froideurs et vos dissimulations me donneront bien tost plusieurs compagnons. Et à ce mot il s’en alla avec plus de dépit et de colere qu’il n’en faisoit paroistre, d’autant que sa modestie luy lia la langue. Dorinde fit bien tout ce qu’elle peut pour le detromper, mais c’estoit luy persuader d’avantage qu’elle dissimuloit. Il s’en alla donc de cette sorte ; mais ne pouvant si tost se départir de son amitié, comme il estoit contraint, pour observer le serment que nous en avions fait, il se resolut de s’esloigner, ne jugeant pas qu’il y eust un meilleur moyen pour vaincre cet amour, que l’absence, qui toutesfois ne luy servit de guiere, ainsi que je vous diray cy-apres.

Me voilà donc heureusement venu à bout de mon dessein, ayant la place libre. Mais quand je voulus aller voir Dorinde, gentil Paris, que ne me dit-elle point ? Elle avoit envoyé vers celle qui luy avoit vendu le miroir, et la contraignit de luy dire, de qui elle l’avoit eu, et sçachant que ç’avoit esté de moy, je ne vous sçaurois representer la grandeur de sa colere. Perfide et trompeur, me dit-elle, comment avez-vous eu le courage d’offenser si mortellement une personne qui ne vous en a jamais donné occasion ? Comment, apres une si grande offense, avez