Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/293

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montroit en cela qu’elle meritoit d’estre aymée et servie de tout le monde, puis qu’elle estoit si bonne amie.

Et apres, se mettant aux injures contre moy, il n’y eut mal que deux n’en dissent, mais beaucoup plus Dorinde, comme celle qui estoit, ce luy sembloit, la plus offencée.

Or Florice s’estant vangée de moy selon ses desirs, s’en retourna en son logis, resolue de ne m’aymer jamais, voire de ne me voir jamais s’il luy estoit possible. Mais lors que ce premier mouvement fut un peu passé, et qu’elle vint à se remettre en memoire les discours que Dorinde et elles avoient tenus, elle se ressouvint que quelque affection que j’eusse eu pour Dorinde, je ne luy avois point toutesfois parlé de l’amitié que je portois à Florice, ny d’aucune faveur que j’eusse receue d’elle. Et tirant argument de là que je l’aymois encor plus que Dorinde, elle commença de se repentir de m’avoir faict une si grande offence, car elle croyoit bien que si j’eusse descouvert quelque chose d’elle à l’autre, qu’elle n’eut pas failly de le luy dire en cette occasion. Et plus elle s’arrestoit sur cette pensée, et plus elle se repentoit de sa promptitude. Car, disoit-elle, s’il l’a veue, j’en suis cause, s’il l’a recherchée, je le luy ay commandé, si elle l’a aymé, c’est parce qu’il est aymable, s’il a receu les faveurs qu’elle luy a faites, ç’a esté au commencement pour mieux dissimuler, et en fin