Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/412

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offre toute sorte d’assistance en tout ce qui se presentera, bref, peu à peu, l’attire aupres de moy, et luy donne commodité de me voir et de parler à moy. Mais voyant que sa modestie l’empeschoit de me declarer sa volonté, elle resolut de luy en donner le courage, et avec ce dessein, un jour qu’elle le trouva à propos. apres quelques discours esloignez, et qu’elle fit venir sur ce qu’elle luy vouloit dire, elle luy fit entendre qu’elle et moy nous estions souvent estonnées de le voir sans qu’il eust encores fait choix de quelque maistresse, et que je disois que je n’en pouvois juger la cause ; car de dire que ce fust’ faute de volonté, l’aage où il estoit ne le pouvoit permettre ; que ce fust faut de courage, encores moins, puis qu’il avoit rendu trop de tesmoignage de ce qu’il estoit, et que la cognoissance qu’il avoit de luy-mesme luy devoit donner assez d’asseurance de pouvoir acquerir les bonnes graces de la plus belle de cette Court, tellement que je n’en voyais autre occasion, sinon qu’il ne trouvoit rien digne de luy.

Tersandre qui croyoit ce qu’elle disoit, et qui se sentoit toucher l’endroit le plus sensible de son ame : Helas ! ma fille, luy dit-il en souspirant, (car telle estoit l’alliance dont il la nommoit) helas ! que madame et vous, avez peu remarqué mes actions, puis que vous n’avez recogneu ma folie. J’ayme, mais helas ! j’ayme en tel lieu qu’il vaut mieux le taire pour n’estre estimé insensé, que le