Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/421

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Leriane qui vid un si bon commencement en son dessein, continua : Mais voyez-vous, Ormanthe, toutes ces larmes et toutes ces protestations seront en fin inutiles, si je vois que vous ne changiez de façon de vivre. Toutes vos compagnes sont servies, et vous estes la seule qui ne l’estes point. Pensez vous que je sois sans desplaisir, quand je vois toutes les filles de la Cour recherchées et estimées, et quand nous allons au promenoir, que chacune a son chevalier qui luy ayde à marcher, voire quelques-unes, deux ou trois qui se pressent à qui occupera leurs costez, et que vous estes toute seule, sans que personne daigne seulement tourner les yeux vers vous. Chascun en parle comme il luy plaist, mais ne croyez point que ce soit à vostre advantage. Quelques-uns qui voyent vostre visage estre plus beau que celuy de plusieurs de vos compagnes desquelles on fait cas, disent que si vous n’estes point recherchée, c’est que vous estes pauvre, d’autres, que vous avez quelque deffaut, ou en vostre race, ou en vostre personne. Et en verité ce n’est que pour vostre nonchalance, et pour une façon sauvage, et humeur rustique qui vous fait fuir de chacun. Et de fait je sçay que Damon a eu dessein de vous aymer, je le sçay, parce qu’il m’en a fait parler par quelques-uns de ses amis, et toutesfois il n’a jamais sceu trouver