Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/428

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dans mon cabinet, elle me demanda si son conseil n’avoit pas esté bon, et si à l’advenir je ne la croirois pas ? Et luy ayant respondu qu’ouy, elle continua : Or, ma maistresse, il faut que nous fassions comme ces bons medecins qui, ayant bien preparé les humeurs par quelques legers remedes les chassent apres. tout à fait par de plus fortes medecines. Je vous veux dire un artifice dont j’ay veu user à celles qui se meslent d’aymer. Il n’y a rien qu’un amant ressente plus que les coups de la jalousie, ny qui l’esveille mieux et le face plus promptement revenir à son devoir. Je suis d’advis, que Damon en espreuve quelque chose. Vous verrez comme il reviendra à son devoir et comme il se jettera à vos pieds, et reconnoistra l’offence qu’il a faite.

Je me mis à sousrire oyant ces parolles, ne me semblant pas que je peusse obtenir cela sur moy. Toutesfois, repassant par ma memoire combien le conseil qu’elle m’avoit desja donné estoit reussi à mon contentement, je me resolus de la croire encores à ce coup. Mais, luy dis-je, de qui sera ce que nous nous servirons en cecy ?

C’estoit à ce passage que cette ruzée m’attendoit, il y avoit long temps, parce qu’elle ne m’osoit proposer Tersandre, à cause de ce qui s’estoit passé, et toutesfois c’estoit où elle vouloit que je vinsse de moy-mesme. Elle me respondit donc de ’cette sorte : Vous avez raison,