Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/432

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Je continue donc, sage bergere, et ne daigne pas seulement me tourner du costé de ce chevalier, qui sortit de la sale si hors de luy-mesme, qu’il fut plusieurs fois prest à se mettre son espée dans le corps, et je croy que sans le dessein qu’il avoit de faire mourir Tersandre, il eust executé contre luy-mesme cette estrange resolution. Et ce qui l’empescha de ne mettre promptement la main sur Tersandre, fut la crainte qu’il eust de me desplaire, sçachant bien qu’il feroit une grande playe à ma reputation, si sans autre sujet il l’attaquoit.

Cela fut cause qu’ayant un peu rabatu de sa furié, il alloit recherchant quelque occasion, lors qu’il rencontra Ormanthe, qui, selon sa coustume, luy vint sauter au col. Luy qui n’estoit pas en bonne humeur la repoussa un peu, et luy dit qu’il s’estonnoit qu’elle n’eust point de crainte du jugement que chascun pourroit faire de semblables actions. – Et de qui, respondit-elle, me dois-je soucier, pourveu que vous l’ayez aggreable ? – Quand ce ne seroit de nul autre, repliqua Damon, encor devriez- vous craindre Leriane. – De Leriane ? (dit-elle en sousriant) ah ! Damon, que vous estes deceu ! je ne sçaurois luy faire plus de plaisir que de faire cas de vous. Le chevalier qui sçavoit bien que Leriane luy vouloit mal, oyant ces parolles, se douta incontinent de quelque trahison, et pour l’adverer, la tirant à part, la pria de luy dire comment elle le sçavoit. Ormanthe qui estoit