Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/474

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furent incontinent espanchées par toute l’Aquitaine, de sorte que ma mere les entendit aussi bien que les autres. Et parce que Leriane avoit produit tant de tesmoins, elle creut, comme faisoient aussi presque tous ceux qui en oyoient parler, que veritablement j’avois commis la faute dont j’estois accusée. Et comme celle qui avoit tousjours vescu avec toute sorte d’honneur, elle en receut un si grand desplaisir qu’elle en tomba malade, et ayant de l’age ne peut resister longuement au mal, de sorte qu’elle mourut en dix ou douze jours, avec si mauvaise opinion de moy. Qu’elle ne voulut jamais envoyer me voir, ny m’assister en ma justification. Voyez comme les dieux me vouloient affiger en diverses sortes. Car ce coup me toucha plus vivement que je ne vous sçaurois dire. Me voilà donc sans pere et sans merer, et delaissée de tous ceux qui me cognoissoient. Voire blasmée universellement de chacun. J#advoue que je fus plusieurs fois en deliberation de me precipiter d’une fenestre en bas pour sortir de tant de peines, car je n’avois que ce seul moyen de me faire du mal. Mais les dieux me conserverent avec espoir que mon innocence seroit en fin cognue, me representant que si je mourois, je laisserois toute l’Aquitaine en ceste mauvaise opinion de moy. Mais lors que Leriane ofirit Leotaris et son frere, et que Tersandre