Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/551

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n’est pas, me respondit-il, que j’estime peu ma vie, mais c’est que j’estime infiniment la veue de tant de beautez. Et puis qu’aussi bien il faut mourir, et que peut-estre la vie me laissera sans avoir ressenty nul contentement esgal, n’ay-je pas raison de ne la plaindre point, pourveu qu’avec un tel prix ceste felicité me soit acquise ? – Quant à moy, respondis-je, je ne vous blasmeray jamais d’une si belle eslection, mais je ne laisseray pas d’en craindre la peine pour vous. – Ma sœur, me dit-il, la difticulté est la pierre où les desirs s’aiguisent. Mais dites-moy franchement, serez-vous à ma consideration une heure du jour bergere ? – Comment ? dis-je, que je prenne leur habit comme vous celuy de berger ? – Non pas cela, me dit-il, car outre que ce vous seroit de l’incommodité, encor ne rapporteroit-il rien à l’acheminement de ce que je desire. Je veux seulement estre aupres de ces bergeres, feignant de vous y accompagner. – Je feray, mon frere, tout ce que vous voudrez, luy dis-je, mais prenez garde que ceste couverture ne nuise à vostre dessein ; car voyant de ceste sorte Diane, elle ne vous sera point obligée de vostre veue. – Celle ; me dit-il, dont vous parlez, n’est pas personne qui se paisse de ces vanitez, et qui n’ait assez de jugement< pqur discerner mes actions, et les discernant en louer la discretion, outre que la cognoissance qu’elle aura de mon amour par ces visites sera la moindre d’une