Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/555

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donc de cette sorte dans la plaine, nous aperceusmes Silvandre qui, assis aupres de quelques arbres, estoit tellement attentif à chanter au son de sa cornemuse, qu’il ne se prenoit garde que Diane l’ayant recogneu à la voix, passoit doucement derriere le buisson pour l’escouter sans estre veue. Et Diane estoit si desireuse de l’ouyr, qu’elle ne voyoit pas Astrée et Phillis qui la regardoient faire, qui touchées d’une semblable curiosité, passoient d’un autre costé pour n’estre veues ny de Diane ny de Silvandre. Mais nous eusmes bien du plaisir à considerer Lycidas qui, estant sur une motte un peu plus relevée, regardoit Phillis se trainant en terre lentement pour n’estre point veue de Silvandre. Car ayant opinion que l’amour qu’elle portoit à ce berger luy donnoit la curiosité de l’ouyr, il demeuroit tout debout les bras croisez, et les yeux, à ce que nous pouvions juger, tellement sur elle qu’il sembloit immobile. Je ne l’eusse pas recogneu de si loing sans Paris qui les voyoit tous bien souvent. Or cependant que nous descendions, nous vismes que tout à coup vostre frere enfonçant son chapeau, et tournant le dos à sa bergere, s’en venoit droit à nous sans nous voir, quelquesfois les bras estendus et regardant le ciel, et d’autresfois se les croisant sur l’estomac, et tenant les yeux en terre. L’action où nous le vismes nous donna volonté