Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/580

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retindrent presques esgallement du Romain et du Celte. L’occasion qui avoit rendu ce Mont plus peuplé de ces Bardes, Eubages, Sarronides et autres, ç’avoit esté que Druys, celuy qui institua les druides, ayant trouvé ce lieu plein d’une certaine divinité, qui l’inspira d’abord qu’il y fut, il pensa estre à propos d’en laisser quelque marque à la posterité. Tout ce rocher, qui pour sa grandeur se peut nommer une montagne, est de nature tellement creux, qu’il semble quand on est dedans, que ce ne soit qu’une voute. Il y a trois ouvertures si spatieuses qu’un chariot y pourroit entrer : elles demeurent ordinairement closes, sinon lors que l’on veut consulter l’oracle, qu’il y a tousjours une druide qui, apres le sacrifice, s’en court ouvrir la porte du dieu auquel on fait la demande. Et soudain il en sort un vent assez impetueux qui, venant des concavitez de cest antre, et se froissant contre les destours du rocher, fait un certain bruit, qui semble à des voix mal articulées, et la druide, tenant la teste la plus avancée qu’elle peut dedans avec la bouche ouverte. y demeure tant que le bruit dure, puis s’en revient dehors avec les cheveux mal en ordre, les yeux esgarez et le visage tout changé, et d’une voix tout autre qu’elle n’avoit pas, et faisant des actions d’une personne transportée, prononce l’oracle que bien souvent elle n’entend pas elle-mesme. Or ces