Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/620

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autour de moy, voire jusques aupres de mon visage, j’ay ouvert les yeux et ay veu l’âme de mon berger, devant moy. Mais, ô Dieu ! combien belle et pleine de clairté ! Elle estoit telle qu’il n’y a soleil qui porte plus de rayons. Jugez-le, ma sœur, puis que j’en suis demeurée esblouye, jusques à ce que j’ay esté icy. Mais aussi tost que j’ay jette l’œil sur luy, il s’est perdu aussi viste qu’un esclair.Et vrayement, ô belle ame ! tu as raison de ne vouloir que la veue de celle qui a sceu si mal mesnager ta vie te souille. Si te suis-je infiniment obligée, puis qu’ayant tant d’occasions de me hayr, tu me fais toutesfois paroistre que ton amour continue.

Phillis, toute estonnée, creut alors que veritablement c’estoit ramé de Celadon, et luy dit : Tout ce que nous pouvons faire pour ceux qui ne sont plus en cette vie, c’est d’en avoir la memoire, d’en redire les vertus et de leur rendre le dernier office de pitié qui est la sepulture. De sorte que je suis d’avis, dit-elle, que pour vostre contentement et pour satisfaire à cette ame qui vous a tant aymée, vous luy fassiez dresser un tombeau, afin de la mettre en quelque repos, et puis en conserver la memoire parmy nous le plus longuement qu’il vous sera possible. – Cela, dit Astrée, feray-je toute ma vie; mais, ma sœur, ne sera-t’il point trouvé mauvais si n’estant point de mes parens, je luy rends ce