Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/643

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viens de voir aupres de vous sont tant espris de vostre beauté, puis qu’elle est telle qu’il faudroit estre privé de veue pour ne l’admirer ; mais je ne puis assez treuver estrange la cruauté dont vous usez envers eux, puis que vous estes seule qui mesprisez ce qui est vostre, et que vous avez acquis avec de si belles et de si cheres armes.

Cependant que Diane parloit ainsi, Palemon y arriva, et peut ouyr la responce de Doris, qui fut telle : Sage bergere, la beauté que pour m’obliger, vous dites estre en moy, est veritablement admirée en vous de tous ceux qui vous voyent, et ne sçay avec quelles armes je puis avoir acquis ceux dont vous parlez, sinon qu’elles doivent estre fort malheureuses d’avoir fait une telle conqueste. – La beauté, dit Diane, sied aussi bien aux filles, que l’orgueil et la presomption est mal seante aux belles. – Si vous sçaviez, respondit l’estrangere, quelle est l’occasion qui me fait parler ainsi, vous admireriez la puissance que j’ay sur moy-mesme de pouvoir seulement regarder ce berger. A ce mot Palemon se jetta à leurs genoux, et les. mains jointes dans son chapeau : Je vous supplie et conjure, dit-il, sage et discrete bergere, si vous aymez, par la personne que, vous honnorez de vostre amitié, et si vous n’aymez point, par vous-mesme et par la douceur que vos yeux me promettent, de prendre la peine d’ouyr nostre different ; et si vous me jugez