Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/662

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quand il en fut plus asseuré, ce fut lors qu’il me fit paroistre d’en avoir plus de meffîance, si bien que ce ne luy fut pas assez de me retirer de la frequentation de tous ceux que j’avois accoustumé de voir, mais vouloir encore que tous les autres fussent privez de la mienne, ne se contentant plus que je ne visitasse une seule de mes compagnes, mais si quelqu’une me venoit trouver, ce luy estoit chose insupportable.

Voyez quelle offence il me faisoit ayant une si mauvaise opinion de moy par sa jalousie, et jugez, pour Dieu ! en quelle extrême tyrannie son amitié s’estoit changée, et toutesfois, plutost que de luy desplaire, j’esleus de perdre entierement la bonne volonté de toutes mes voisines, que de luy donner quelque mauvaise satisfaction de moy. Les dieux sçavent avec quelle peine je le peus, et non pas que je n’eusse un tres grand contentement de faire chose qui luy fust agreable, mais si faloit-il m’y conduire avec une grande contrainte, et avec une prudence qui ne fust pas moindre pour ne donner occasion de mescontentement à celles que j’eslongnois de ma compagnie.

J’y parvins le plus doucement qu’il me fut possible, et le contentay, de sorte qu’il sembloit que j’eusse quelque maladie contagieuse, tant je demeurois retirée des bergers et des bergeres, qui me souloyent pratiquer.