Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/674

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bien estre tres-veritable, ce que j’ay tousjours ouy dire de la divinité : que jamais les dieux et déesses n’entrent en un lieu sans y faire quelque bien, puis que vous qui, par vostre merite et vostre condition, en representez l’image parmy nous, n’avez presque esté plustost en ce lieu que me voilà detrompé et sorty de l’erreur où j’ay si longuement vescu, si toutesfois on peut appeler vie ce qui raporte plus de mal que la mort mesme. J’advoue que tout ce que ceste belle bergere vient de vous raconter est veritable, et que je luy ay plus d’obligation encore qu’elle ne sçauroit dire ; mais si faut-il qu’ayant ouy de sa bouche ce qu’elle vient de me reprocher, je me plaigne que le Ciel, comme envieux de mon ayse, m’ait caché la plus grande partie de mon bon heur. Et croyrois d’avoir plus d’occasion de m’en douloir et de l’accuser d’injustice, si je ne cognoissois bien que c’est ainsi que tous les hommes sont traitez, afin qu’il n’y ayt point çà bas de parfait contentement. Toutesfois, si faut-il que l’on me permette de me douloir du tort que ceste bergere a fait