Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/700

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la chaleur à la flame. D’autre costé, considerant que ce n’est pas aymer que de ne se donner tout entierment à la personne aymée, nous ne pouvons penser que ce ne soit une espece de trahison de faire part de son affection à quelque autre. C’est pourquoy, toutes choses longuement debattues et sagement considerées, nous disons : Que celuy seroit injuste, qui jugeroit que l’amour se deut perdre pour une chose qui luy est si naturelle, ou se diviser à plusieurs, pour quelque consideration que ce soit. Et nous declarons que les dissentions et petites querelles sont des renouvellements d’amour, et que diviser ou changer une affection est crime de leze Majesté en amour.

Et en consequence de cela, nous ordonnons que Doris aymera Palemon, et que Palemon toutesfois, asseuré de la bonne volonté de Doris, luy donnera à l’advenir de meilleures preuves de son affection que celles de sa jalousie, qui à la verité est bien signe d’amour. Mais comme la maladie est signe de vie, car non plus que sans la vie on ne peut estre malade, sans amour aussi on ne peut estre jaloux, toutesfois, comme la maladie est tesmoignage d’une vie mal disposée, de mesme la jalousie rend preuve d’un amour malade. Et Doris pardonnant et recevant Palemon en ses bonnes graces, en oubliera tout ce qui luy aura despleu, considerant que l’amour qui est une tres-