Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/728

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Ma bergere dormoit, mais autour de ses yeux,
Mille petits amours voletoient soucieux,
A trouppes les desirs sur sa lévre jumelle
Accouroient murmurant, comme fantosmes vains,
Et ces desirs naissoient des amoureux Sylvains,
Qui ne virent jamais une nymphe si belle.
 
Heureux, ah ! trop heureux tous mes ennuys passez !
Vous estes à ce coup trop bien recompensez,
Puis que je l’ay peu voir avant que je finisse ;
Mais s’il ne te plaist pas de changer son desdain,
Je te supplie, Amour, fay moy mourir soudain,
De peur qu’en languissant mon heur ne s’amoindrisse.

En sa course Lignon reflote moins de fois,
Nos champs jaunissent moins, Isoure a moins de bois,
Et moins de voix Echo, bien qu’elle soit son ame,
Moins d’eslans a cet air d’un grand vent agité,
Que mon cœur n’a d’amour, ma nymphe de beauté,
Que mon amour de foy, que sa beauté de flame.

Cependant que ce berger s’entretenoit de cette sorte, Adamas et Leonide y arriverent ; et parce que le visage de Celadon, beaucoup changé de ce qu’il souloit estre, donnoit tesmoignage du contentement qu’il avoit receu, le druide et la nymphe le recognoissant luy dirent, apres quelques autres propos communs, qu’ils se resjouissoient de luy voir quelque espece de soulagement. – Le plaisir qui se lit en mon visage, respondit Celadon, est