Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/737

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce qu’ils vouloient tenir caché ; et continuerent de cette façon plusieurs jours, encor que cet artifice fut bien superflu, d’autant qu’elle sçavoit si bien jouer son personnage qu’il n’y avoit per­sonne qui la pust soupçonner. Toutesfois cela la r’asseura encor d’avantage, parce qu’elle receut en cet estat presque toutes les visites de ses voisines, qui s’en alloient plus satisfaictes d’elle qu’il ne se peut dire.

Quelques jours s’escoulerent de cette façon ; en fin elle commença de visiter la maison, et de sortir dehors, faisant semblant que l’air, la fortifioit. L’assiette du lieu estoit tres-belle et agreable, ayant la veue de la montagne et de la plaine, et mesme de la delec­table riviere de Lignon, depuis Boen jusques à Feurs. Cela avoit esté cause que Pelion, pere d’Adamas, y avoit fait bastir. Et depuis, Adamas y fit eslever le somptueux tombeau de son frere Belizar, au sortir de la maison, et tout aupres d’un petit boccage qui touchoit presque la maison du costé de la montagne. En ce lieu Alexis et Leonide se venoient bien souvent promener à cause de la beauté des allées et de la veue ; et parce qu’il falloit un peu monter, Alexis prenoit quelquefois Leonide sous les bras, quand elles n’estoient pas veues, et une fois entre autres qu’elles s’estoient levées assez matin, et qu’Alexis luy rendoit ce service : Voicy, dit la nymphe en sousriant, un service que vous aimeriez