Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/776

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toute la plus grande diligence qu’il me fut possible, et arrivay en une ville qui s’appelle Paris, où Merovée demeuroit pour lors, estant de retour du pays des Neustriens. Ceste ville est assise dans une isle si petite que les murailles sont continuellement lavées de la riviere qui l’environne de tous costez, de sorte que l’on n’y sçau-aroit aller que par des ponts. Aussi tost qu’il me vit, je remarquay bien à son visage une grande alteration, mais d’autant qu’il estoit au lict, et qu’il y avoit quantité de personnes aupres de luy, il ne peut parler à moy, ny me demander l’occasion de mon voyage. Mais lors qu’il fut seul, il me fit appeller, et me deman­dant quel subject m’avoit amené, je luy dis qu’il le verrait par vostre lettre. – Et n’y en a-t’il point, dit-il incontinent, de celles de Madame ? – Vous sçaurez tout, luy respondis-je, par ceste lettre. Il changea de couleur quand je luy tins ce langage, croyant bien qu’il y eust du changement, mais quand il eut leu ce que vous luy escriviez, je ne vis jamais un homme si estonné. Je ne sçay quant à moy ce qu’il y avoit dans ce papier, mais il faillit de luy oster la vie. – Je me ressouviendray bien, dit Leonide, des mesines paroles, car il en avoit fort peu, et veus, ma sœur, que vous les oyez, afin, dit-elle, s’approchant de son oreille, que vous puissiez les dire à Galathée, s’il est necessaire. Il n’y avoit que ce que je vay vous dire.

Et lors se reculant, elle dit tout haut.

Lettre de Leonide a Lindamor