Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/794

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quelques lunes se trouve mal, et que depuis dix ou douze nuicts, elle s’abat plus que de coustume, mais je crois que pour la guerir, il la faut marier. – Vous y devriez songer, dit Adamas, car elle commence d’en avoir l’aage. – Elle a, dit Phocion, la moitié d’un siecle, et trente six lunes, ou environ, et j’espere de la loger bien tost, s’il plait à Dieu.

Cependant qu’Adamas parloit de ceste sorte avec ces bergers ; Leonide et Alexis entretenoient les autres ; mais aussi tost que Lycidas mit les yeux sur son frere, il demeura longtemps sans les en pouvoir retirer, car il luy sembla d’abord de voir le visage de Celadon. Et puis le considerant de plus prés, il demeuroit estonné, que deux personnes puissent se ressembler si fort. Toutesfois l’opinion qu’il avoit qu’il fust mort, l’authorité du druide qui disoit que c’estoit sa fille, et l’abit de nymphe qui l’embellissoit, et le changeoit un peu, l’ampescherent d’en descouvrir la verité, et luy faisoient démentir ses yeux. Si ne peut-il s’empescher en fin, apres l’avoir quelque temps consideré, de luy dire : Si je ressemblois autant à la personne que vous aymez le plus, que vous, madame, à celle que j’ay le plus aymée et honorée, j’espererois d’estre bien tost en vos bonnes graces. – Gentil berger, respondit Alexis, en rougissant, je suis tres satisfaite de mon visage, puisque, tel qu’il est, il ressemble à ce que vous