Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/806

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de vos tristes pensées, et voir si je puis vous donner quelque soulagement, sans contrevenir toutesfois à la volonté des dieux. – Et comment ? interrompit-il incontinent, il ne vous suffit pas que je meure, par la cruauté de mon destin, et par l’injustice des hommes, qui m’ont ravy tout ce qui me pouvoit retenir en vie, si vous n’y ajoutiez encore cette vaine compassion que vous faictes paroistre d’avoir de moy, seulement pour me faire mourir avec plus de regret ? Quoy ! Celidée, vous voulez que je pense que vous estes touchée de pitié, en voyant le miserable estat où je suis, afin que vous perdant et vous voyant possedée par un autre, je vous plaigne davantage ? Si c’est votre dessein, vivez contente, et coyez que vous ne sçauriez me desirer plus de mal que celuy que je ressens ; et si ce ne l’est pas, ne me parlez jamais plus de pitié, de salut, de remede, ou de quelque esperance, car j’en suis aussi incapable que le Ciel et vous, avez eu peu de volonté de mon bien. Et à ce mot la laissant, quoy qu’elle s’efforçast de le retenir, il sortit hors de la chambre.

Il estoit desja tard, de sorte que le bal finit tost apres, et chacun se retira quand Celidée, suivant nos coustumes, eut esté mise dans le lict aupres de Thamire. Vous devez croire que le contentement de ce berger estoit à son extremité, puis que le Ciel ne luy en voulut point