Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/816

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infiniment outragée, qu’elle estoit resolue d’en prendre vengeance ; qu’elle ne la vouloit pas faire mourir, parce que sa haine ne passoit jusques à la mort, mais qu’elle desiroit de s’en venger sur son visage, comme la plus chere chos qu’elle eust. Qu’à ceste occasion elle la prioit de luy enseigner quelque herbe, ou quelque autre recepte, qui peust tellement gaster le visage d’une fille, qu’elle ne pust plus revenir en son premier estat.

La bonne femme qui aimoit Celidée comme si elle l’eust nourrie, luy respondit fort sagement qu’elle devoit perdre ceste mauvaise volonté, et chasser de son ame ce cruel desir de vengeance ; que si l’autre l’avoit offencée, elle en laissast le chastiment à Hesus, qui avoit la puissance de le faire, et qu’il estoit à craindre, que celle à qui elle vouloit faire du mal, ne luy rendist par apres au double. Bref, elle luy representa tout ce qu’elle put pour l’en divertir. Mais ceste sage fille qui avoit un dessein bien different à celuy qu’elle disoit, s’opiniastrant en sa demande, et luy faisant entendre que ce n’estoit pas personne qui pust s’en venger, outre qu’elle le feroit faire si secrettement qu’elle ne sçauroit à qui s’en prendre, la conjura encores par toute l’amitié qu’elle luy portoit, de satisfaire à sa demande, luy protestant que si cela n’estoit, elle se resoudroit à quelque chose de pire, et qu’elle en seroit cause. La bonne femme luy respondit qu’elle en seroit bien marrie, et