Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/826

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de n’en point faire de vengeance, je te diray qui en est cause, et qui m’a fait cet outrage, si avec toy je le dois nommer tel.

Calidon en mesme temps entra dans la chambre, qui empescha que Thamire ne put respondre, car ayant couru depuis son logis, où il avoit apris cette triste nouvelle, quand il mit le pied dans la porte, il estoit tant hors d’haleine, qu’il ne pouvoit presque respirer. Et toutesfois montant les degrez et entrant dans la chambre, on l’oyoit jurer par Hesus, et par Hercule, que celuy qui avoit mis la main sur Celidée, en mourroit avant que la nuit fut venue. – Ne jurez point, dit-elle, ô Calidon, de peur que vous ne soyez parjure ; ce pourroit estre tel que vous aimeriez mieux mourir que d’observer vostre serment. – Comment ? reprit incontinent Calidon, je jure encor par Hesus, et par l’âme de celuy qui m’a mis au monde, que horsmis Thamire, je n’excepte personne à qui je ne fasse perdre la vie. Et à ce mot, il se mit à genoux devant son lict, et luy voulut prendre la main pour la baiser, mais elle, en le repoussant un peu : Et à qui, Calidon, luy dit-elle, pensez-vosu baiser la main ? Regardez mon visage, et prenez garde que je ne suis plus cette Celidée, de qui vous avez tant estimé la beauté.

Le berger transporté de furie, n’avoit point encor jetté les yeux sur elle, mais quand il les haussa, et qu’il la vid si affreuse, car elle veritablement se pouvoit-elle dire, il