Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/855

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a fait dessein d’aller ? – Non pas cela, dit Silvandre. – Et toutesfois, dit Hylas, on met un pied tantost en terre, et tantost en l’air, quelquefois devant et quelquefois derriere ; et n’est-ce pas cela aussi bien inconstance que ce que vous me reprochez ? Puis qu’ayant fait dessein de parvenir à la parfaicte beauté, tout ainsi qu’en marchant on change d’un pied à l’autre, jusques à ce qu’on parvienne au lieu que l’on s’est proposé, de mesme ay-je faict, aymant les beautez que j‘ay rencontrées jusques à ce que je sois parvenu à celle d’Alexis, que veritablement je recognois estre la plus parfaicte de toutes. – Vous auriez peust-estre raison, respondit Silvandre, si la nature nous avoit permis d’y aller tout d’un pas, ainsi qu’il est en nostre puissance d’aymer d’abord ceste parfaicte beauté. – Comment, dict Hylas, voudriez-vous me conseiller de faire icy mon apprentissage ? Il y a bien apparence qu’un apprentif du premier coup peust estre digne serviteur d’Alexis. – S’il n’y avoit que cela seulement, dit Silvandre, qui vous empeschast d’estre digne d’elle, je ne vous conseillerois point d’en faire difficulté, car les choses que la nature produit sont bien differentes de celles que l’articfice nous donne, L’herbe, dés qu’elle commence de poindre, est aussi bien herbe, que quand elle a son parfaict accroissement ; au contraire, ce que l’artifice nous produit, se perfectionne par un long estude, et une curieuse industrie. Or l’amour estant un instinct de la nature, il n’a besoin d’apprentissage ; et