Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/905

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il faut que je confesse que, tournant inconsideramment les yeux sur elle, j’en devins de sorte amoureux que depuis il m’a esté impossible de m’en retirer. Dois-je dire ceste veue heureuse ou malheureuse pour moy, qui m’a cousté tant de travaux et tant de soing ? Mais comment le puis-je mettre en doute, puis que jamais personne ne fut plus heureux ayant congeu un si genereux dessein, quelque peine et travail que la fortune m’ait envoyé pour ce suject ? Je devins donc serviteur de ceste princesse, et si Valentinian entroit aux tournois, soubs le nom faint de chevalier de la belle Eudoxe, je puis dire que je n’en faisois pas de mesme, estant de sorte espris de sa beauté et de sa vertu, que mon amour estoit incroiable pour l’aage que nous avions tous deux.

En ce mesme temps il fut donné une jeune fille des meilleures maisons de Grece à la jeune Eudoxe pour estre nourrie avec elle. Elle s’appelloit Isidore, et faut advouer que horsmis Eudoxe, il n’y avoit rien en la Cour qui la valust. Valentinian ne jetta pas les yeux plustost sur son visage, qu’il en devint amoureux. Mais elle se trouva si soigneuse de son honneur et de sa reputation, que cognoissant bien ceste affection, et que Valentinian ne la pouvoit espouser, pour les occasions que je vous ay dites (car chacun sçavoit la volonté de Theodose) elle ne voulut jamais souffrir sa recherche, s’en deffendant au