Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/91

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Et moy, respondit Calidon, jamais ne me puisse estre salutaire le Guy de l’an neuf, et si je rencontre quelquefois l’œuf salutaire, soufflé des serpents, je prie Tautates qu’il les anime de sorte contre moy, qu’ils ne me laissent jamais en repos, que m’ayant entortillé et les jambs et les bras de cent tours, leur venin ne m’ait percé le cœur, si je ne reçois vostre jugement, comme venant d’un grand Dieu, et si je ne l’observe tant que je vivray.

Et parce que Celidée ne disoit mot : Et vous, belle bergere, dit Astrée, n’avez-vous point de volonté de vous descharger de l’importunité que vous recevez de ces deux bergers, vous remettant au jugement de cette grande nymphe ? – Je voudrois bien, respondit la bergere, en estre delivrée, mais je crains de tomber en un plus grand mal, et ne faut point douter que la haine et l’offense n’ayent une si grande force sur moy, que je ne remettrois le hazard de ce jugement à personne, si les dieux ceste nuit, ne m’avoient avertie en songe de le faire ; car la plus grande partie estoit desja escoulée, lors qu’il m’a semblé que mon pere, qu’il y a desja long temps qui est mort, m’ouvroit l’estomac, en sortoit le cœur, et le jettoit comme si c’eust esté une pierre, avec une fonde, par deçà Lignon, et puis me disoit ces mots : Va, mon enfant delà la fatale riviere de Lignon, tu trouveras ce cœur