Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/27

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plus estonnées de voir faire une telle action à cette bergere, que non pas de se trouver nues dessus le lict ; mais elle estoit excusable, puis qu’une plus forte passion que n’estoit pas son humeur l’y contraignoit. O Silvandre ! que tu eusses eu d’obligation à cette bergere, si, interrompant tes pensées, elle t’eust emmené avec elle pour tesmoing de cette action ! Juge quel effect cette veue eust causé en toy, puisqu’Astrée, voyant ces beautez, en demeura ravie ! Et dit en souspirant : Ha ! Diane, si vous eussiez esté la troisiesme dans le temple, pour certain Celadon vous eust donné la pomme, et ce jour-là n’eust pas esté le commencement de nostre mal-heureuse amitié. - Astrée, luy respondit-elle, vous estes à ce matin si peu sage, que je ne sçaurois croire vostre jugement estre bon ; aussi est-ce le moindre de mes soucis, que celuy de la beauté, n’y ayant plus rien au monde qui me’ la puisse faire desirer. - Si est-ce, respondit Astrée, que venant icy, j’ai rencontré une personne, qui, je m’asseure, esliroit plustost la mort, que de souffrir la continuation de cette volonte en vous. Et si vous l’aviez veu comme moy, renversé dessus les marches da terme de Mercure, les bras croisez, et les yeux tendus contre le ciel, vous croiriez que je ne ments pas. - Je sçay bien, dit-elle, que vous voulez parier de Silvandre ; mais, ma sœur, ne sçavez-vous que c’est par gageure ? - Les feintes, repliqua Astrée, ne donnent jamais de si veritables passions, et tenez-