Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/29

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opinion que quand vostre jugement sera donné, s’il vous aime, il cesse de vous aymer ? - J’ay opinion, respondit Diane, qu’il ne parlera pas à moy de la sorte qu’il a faict, et que s’il m’ayme, il en aura toute la peine. - O Diane ! repliqua Phillis, que vous l’entendez mal ! A cette heure vous pouvez feindre que tout ce qu’il vous dit, c’est pour nostre gageure ; au lieu que quand cette excuse n’y sera plus, vous serez obligée de recevoir ses paroles à bon escient. - Je sçay bien, reprit Diane, que ce que vous dites est vray ; mais s’il parle à moy autrement qu’il ne doit, je le traitteray en façon qu’il n’y retournera pas la seconde fois. Phillis alors, se mettant à rire : O ma compagne ! luy dit-elle, nous en avons bien veu d’autres qui avoient faict ces mesmes resolutions, et qui en fin ont esté contraintes de les changer ; car, dites-moy, je vous sup- plie, s’il continue à vous en parler apres la premiere defence que vous luy en ferez, que sera-ce pour cela ? Le tuerez-vous s’il y contrevient ? - Je ne le tueray pas, respondit Diane, mais je parleray bien à luy de sorte que, s’il m’ayme, il craindra de ne me plus importuner, et s’il ne m’aime pas, il plaindra la peine de feindre plus, avant. - Au contraire, luy repliqua Phillis, s’il ne vous ayme pas, il ne se souciera guere de vous déplaire, et s’il vous ayme, son affection l’empeschera de vous obeyr en ce qui contrevient à son amour. Car, ma sœur, soyez asseurée qu’une violente passion