Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/30

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peut bien estre contrariée, mais non pas effacée entierement ; vous verrez qu’il obeyra peut-estre quelque temps à vos rigoureuses deffences, mais peu apres il rompra toutes considerations. Et comme un torrent qui rencontre en son cours quelque empeschement, au commencement s’arreste, puis peu à peu se renforçant, non seulement il emporte cette deffence, mais surmontant ses propres bords, inonde, et assable tous les champs d’alentour ; de mesme, dis-je, vous verrez qu’apres s’estre contrainct quelques jours, son affection l’emportera par dessus toutes vos deffences, et Dieu vueille que ce ne soit avec tant de violence que chacun ne le recognoisse. Et si cela avient comme vous devez croire qu’il aviendra, qu’est-ce que vous luy ferez de plus de renouveller encores ces premieres deffences ? Je veux bien qu’elles soient plus rigoureuses, mais en fin ce ne seront que des paroles, et croyez-moy qu’elles ont fort peu de force sur ceux qui aiment, comme je croy que faict Silvandre. - Ma sœur, adjousta froidement Diane, je n’ay encores jamais veu de ces opiniastres dont vous parlez, et quand j’en rencontreray, je chercheray les moyens de m’en defaire, ne croyant pas que le Ciel nous a fait si miserables que nous ayant denié la force, il ne nous ait donne la prudence pour nous pouvoir conserver.

Ainsi alloient discourant ces belles bergeres, cependant qu’elles s’habilloient, et desja estans prestes, apres avoir