Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/38

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Ce berger qui chantoit, fut bien tost recogneu pour estre Corilas, qui se souvenant encores des tromperies de Stelle, ne pouvoit cacher la haine que veritablement il avoit conceue contre elle. D’autre costé, la bergere, apres l’avoir recherché, et recogneu qu’elle y perdoit son temps, changea aussi son amitié en haine ; ce qui estoit tellement recogneu de chacun, que Ton les nommoit ordinairement les amis ennemis. A ce coup la bergere ne luy respondit point, parce qu’au mesme temps qu’elle voulut ouvrir la bouche, Hylas se mit à chanter tels vers, qui sembloient avoir esté faicts aussi bien pour sa deffence, que pour celle de l’humeur du berger qui les chantoit.

Sonnet

D’aymer en divers lieux.

Si l’amour est un bien comme on nous fait entendre, Le bien communiqué, ce me semble, vaut mieux ; Qui sera le Timon severe et sourcilleux Qui reprendra le mien, plus je pourray l’estendre ?

Si c’est un mal aussi, qui me sçauroit deffendre De finir promptement ce qu’on dit vicieux ? Soit donc ou bien ou mal d’aymer en divers lieux, Ou de cesser d’aymer, nul ne me peut reprendre.