Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fort, en disant que je n’ayme pas longtemps, et au contraire, je tiens que c’est l’une des plus grandes louanges que tu me puisses donner ; car dy-moy Silvandre, celuy qui, en un quart-d’heure fait plus de chemin qu un autre en tout un jour, n’est-il pas estimable ? Et le masson qui bastit une maison en un mois, qu’un autre n’oseroit entre-prendre en un an, n’est-il pas tenu pour meilleur maistre ? - Si tu voulois rendre, respondit Silvandre, ton amour un laquais, je pense que plus il pourroit aller viste, et plus il seroit estimable. Mais pour le masson duquel tu parles, tu te trompes, Hylas, à croire celuy qui se diligente le plus estre le meilleur artisan ; car ce nom doit estre donné à celuy qui fait le mieux ce qu’il entreprend, et non pas à qui s’en depesche plustost, parce que ceux-cy gastent ordinatrement l’ouvrage où ils mettent les mains.

Hylas vouloit respondre, lors que toute cette belle compagnie commença de s’acheminer vers le temple de la bonne Déesse, où Crisante les attendoit à disner, parce que cette venerable druide ayant sceu leur deliberation, et voulant, elle aussi, rendre ce devoir à la belle Alexis, elle avoit prié ces belles et discrettes bergeres de passer à Bon-lieu, afin de se mettre dans leur trouppe. Les bergeres qui creurent cette compagnie leur estre fort honorable, ne luy voulurent refuser cestel requeste ; et par ainsi Silvandre, à ses derniers