Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tautates, ny vous aussi ; et si mes paroles n’ont peu me bien expliquer, je vous diray que mon intention n’a pas esté de douter de la providence de nostre grand Dieu, ny de vostre prudence, mais ouy bien de croire que sa volonté n’est pas de me donner jamais contentement, tant que je vivray, et que mon malheur est si grand qu’il surpasse toute la prudence des humains. II faut que vous sçachiez, reprit Adamas, que la mécognoissance d’un bien receu, faict bien souvent retirer la main du bienfaicteur, et la rend plus chiche qu’elle n’estoit auparavant. Prenez garde que vous ne soyez cause que le Ciel en face de mesme, car vous recognoissez si mal celuy qu’il commence de vous faire, qu avec raison vous pouvez craindre qu’au lieu de continuer, il ne vous charge de nouveaux supplices. Ne considerez-vous point qu’ayant demeuré perdu si longuement dans un sauvage rocher, où il n’y avait que luy et vous, qui vous y sceussiez, il y a conduit par hazard Silvandre pour vous donner quelque consolation ? Et pour la rendre encores pIus grande, n’a-t’il pas faict qu’Astrée mesme vous y soit allé trouver, que vous l’ayez veue, voire que vous l’ayez presque ouye, et les plaintes qu’elle faisoit pour vous ? Quel commencement de bonheur pouviez-vous esperer plus grand que celuy-là ?

Je ne vous mets point icy en conte les visites de Leonide et de moy, car peut-estre vous